Le siècle asiatique

18 août 2019 Off By Romain
Le siècle asiatique
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Article écrit par Shamik Dhar (chef économiste chez BNY Mellon Investment Management) paru sur Les Echos le 13 Aout 2019.


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La montée en puissance de la Chine sur les plans économique et politique pourrait constituer un véritable écueil pour les marchés dits développés, principalement des démocraties libérales.

Bon nombre de ces idées et hypothèses que nous prenons pour acquises sont aujourd’hui remises en cause au moment où la Chine s’emploie à réaffirmer sa suprématie économique et politique, qu’elle considère comme « naturelle », sur la scène mondiale.

Mais il ne s’agit pas uniquement de la Chine. Au cours des prochaines décennies, les cartes de l’ordre géopolitique actuel seront complètement rebattues et nous assisterons à un bouleversement profond du rapport de force mondial à mesure que les pays aujourd’hui en tête du peloton économique prendront du retard par rapport leurs pairs des marchés émergents.

35 % du PIB mondial en 2030

Selon toute une série de pronostics, dans seulement onze ans, les Etats-Unis passeront de première économie mondiale à la troisième place. La Chine, quant à elle, prendra la première place, suivie de près par l’Inde. De même, l’Indonésie, le Brésil et l’Egypte devanceront certains marchés plus développés : seuls le Japon et l’Allemagne, parmi les puissances historiques actuelles, garderont encore une place dans les 10 premières puissances économiques. Le PIB de l’Asie pourrait représenter environ 35 % du PIB mondial en 2030, contre 28 % en 2018 et seulement 20 % en 2010.

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Cela est dû en partie à la démographie. Mais, au-delà, la réalité sur le terrain nous montre que le siècle asiatique est déjà bel et bien en marche. En 2005, par exemple, seuls 3 des 10 ports en eau profonde les plus fréquentés du monde se trouvaient en Chine. A peine dix ans plus tard, 7 des 10 premiers ports du monde s’y situaient, et 9 d’entre eux étaient dans la région Asie-Pacifique.

Il en va de même pour le transport et le fret aériens. Aujourd’hui, les aéroports les plus achalandés du monde sont presque entièrement situés en Asie. Du côté des entreprises, les changements récents sont significatifs. Chaque année, le  rapport Global 500 du magazine « Fortune » classe les plus grandes entreprises du monde selon leur chiffre d’affaires. En 2008, les noms américains et européens ont dominé la liste avec seulement trois sociétés chinoises dans le Top 100. Une décennie plus tard, cette domination a nettement reculé, le nombre d’entreprises européennes dans le Top 100 passant de 51 à 25 et le nombre de noms chinois de 3 à 21.

Répercussions géopolitiques

Les enjeux que ces changements impliquent sont de taille, car ils nécessitent comme corollaire un repositionnement profond au niveau de la localisation de la production et de la consommation mondiales, notamment dans le domaine des matières premières. Si l’on prend en considération la question de la production énergétique : en 2017, la Chine a dépassé les Etats-Unis en tant que premier importateur mondial de pétrole brut.

Il en va de même pour les biens et services. Au cours des trois dernières décennies, la croissance des pays émergents et leur montée en puissance en tant qu’ateliers du monde ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. Nous allons désormais vers une situation où un pays comme la Chine sera à la fois l’usine, le consommateur et le fournisseur de services du monde entier.

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C’est donc là où le bât blesse. C’est dans le domaine de la géopolitique que les répercussions les plus profondes et les plus troublantes liées à la montée en puissance de la Chine risquent de se faire sentir. Dans un monde post-crise, le fond sonore a changé, ce qui a enhardi la Chine à considérer qu’il y avait des alternatives au modèle libéral occidental classiquement conçu.

En ce moment précis de l’histoire, l’Occident traverse une crise de confiance collective. Les Etats-Unis en sont conscients – et cela explique en partie les efforts actuels pour renégocier les accords commerciaux de longue date. Pour l’avenir, les investisseurs internationaux pourraient se demander si la montée en puissance de la Chine se fera au détriment d’autres pays puissants et si cela peut se faire sans effusion de sang.

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Article complet paru sur Les Echos disponible ici.

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