L’irrésistible hausse du nombre d’agressions: «la France se sud-américanise»

20 juillet 2019 Off By Romain
L’irrésistible hausse du nombre d’agressions: «la France se sud-américanise»
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Article de Fabien Buzzanca paru sur Sputnik France le 16 Juillet 2019.


La délinquance explose depuis des mois dans la capitale, selon la Préfecture de police de Paris. Le nombre d’agressions physiques bondit dans plusieurs arrondissements, mais aussi dans tout le pays. Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police –Policiers en colère, décrypte sans concession ce phénomène pour Sputnik.

«La France est en voie de désocialisation. Depuis plusieurs années, notre organisation syndicale affirme que le pays connaît une dérive “insécuritaire”, un peu comme ce que l’on peut observer dans certains pays d’Amérique du Sud.»

Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police –Policiers en colère, fait un terrible constat. Et les chiffres semblent lui donner raison. Le 3 juillet, Le Canard enchaîné lâchait une bombe. L’hebdomadaire satirique a pu se procurer les statistiques de Préfecture de police de Paris concernant la délinquance sur les cinq premiers mois de l’année 2019. Les données sont saisissantes. Si l’on fait abstraction du XXe arrondissement, tous les autres secteurs de la ville sont concernés par une hausse de la délinquance. Cambriolages, agressions sexuelles et autres atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes se multiplient à des niveaux alarmants. Concernant ces dernières, on déplore +40% dans le Ier arrondissement, +30% dans le IIe, + 45% dans le IIIe ou «seulement» +10% dans le pourtant très chaud XVIIIe.

​Mais Paris n’est pas seul concerné. L’étude «Insécurité et délinquance en 2018: premier bilan statistique», de L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) nous apprenait en janvier dernier que «la hausse du nombre de victimes de coups et blessures volontaires (sur personnes de 15 ans ou plus) enregistrée en 2018 par les forces de l’ordre a été nettement plus forte (+8%), que les cinq années précédentes (+2,2% en moyenne annuelle entre 2013 et 2017). Le niveau dépasse 240.000 victimes, un point haut sur 10 ans». L’ONDRP note, concernant les victimes de coups et blessures volontaires, que «Parmi les victimes enregistrées, 44%, soit plus de 100.000 victimes, ont subi ces violences dans la sphère familiale; dans neuf cas sur dix, il s’agit alors de violences conjugales.»

​Par ailleurs, «les vols avec violence enregistrés par la police et la gendarmerie diminuent depuis 2014, et en 2018 ce repli est très net». Des agressions physiques aux motifs crapuleux de moins en moins nombreuses, mais des coups et blessures volontaires qui ne cessent d’augmenter… La France aux prises avec la violence gratuite?

«Oui. Cela correspond à une orientation sociétale. Dès l’école, l’on peut constater ce phénomène. Nous avons affaire à des jeunes de plus en plus violents et ils le sont de plus en plus tôt. Les nombreuses affaires d’agressions de professeurs médiatisées et qui défraient la chronique montrent la banalisation de cette violence. Les orientations politiques, quant à elles, vont toujours vers plus de laxisme. Nous le voyons bien avec le lobby anti-fessée mené notamment par Brigitte Macron. Toujours moins d’éducation punitive et plus de laxisme à l’égard des plus jeunes… La mise en avant de l’enfant-roi conduit à une montée sans précédent des violences. Si on ne cadre pas un enfant dès le plus jeune et qu’on ne lui impose pas de limite, ceux qui sont les plus fragiles psychologiquement peuvent se déshumaniser et en grandissant atteignent des seuils de violence extrêmement élevés et dangereux pour la société», analyse Michel Thooris.

Le 8 juillet, Riyad B., 19 ans et son camarade Bokar L., 18 ans ont frappé le proviseur d’un lycée d’Athis-Mons (Essonne), après avoir échoué au baccalauréat. Ils ont notamment «dégradé» son bureau, et menacé de revenir dans l’établissement pour «y mettre le feu», selon une source proche de l’enquête. Ils ont été condamnés à 105 et 140 heures de travaux d’intérêt général.

«Cette situation est liée à un laxisme judiciaire qui encourage le crime et la récidive, de même qu’à des orientations politiques qui n’ont fait qu’accélérer ce phénomène de violence sur personne, de délinquance, de criminalité, qui ne fait aujourd’hui que progresser et face auxquels la société française ne sait pas répondre», s’alarme Michel Thooris.

La situation inquiète en haut lieu. Le 12 juin dernier, le Premier ministre Édouard Philippe prononçait son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. Il a redit sa volonté de mettre en place un «plan pour lutter contre les violences gratuites».

«Les Français n’en peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales. Nous ne devons plus rien laisser passer», a-t-il lancé dans l’hémicycle.

ONDRPCoups et blessures volontaires (sur personnes de 15 ans ou plus) : cumul annuel.

Un récent article du Monde intitulé «Le concept de “violences gratuites”, une construction politique», développe une vision des choses assez éloignée de celle de Michel Thooris. Michel Capon, secrétaire général du syndicat UNSA Police, parle d’«une très mauvaise terminologie» quand le chercheur Laurent Mucchielli évoque une «limite fake news» et «une pure construction politique»: «Les motifs peuvent paraître dérisoires, mais ils existent et s’inscrivent souvent dans le temps, dans des conflits antérieurs, comme les conflits de voisinage.»

Pas de quoi convaincre Michel Thooris:

«Ces deux personnes sont totalement déconnectées des réalités du terrain. Ce que l’on constate en tant en que policier est l’augmentation des cas qui voient se déchaîner une violence totalement gratuite. Cela peut-être induit par le simple fait de refuser une cigarette à quelqu’un ou un regard jugé hostile. J’insiste, dans de nombreux cas, nous avons affaire à des individus déshumanisés, désocialisés qui ne n’expriment que par la violence. Ils exacerbent une certaine forme de “virilité” par ce moyen. D’ailleurs, la violence est très souvent exercée contre les plus faibles. Souvent, ce sont des groupes d’individus qui se trouvent face à une personne seule. Nous sommes de plus en plus dans l’agression purement gratuite et abjecte qui intervient hors du cadre de la légitime défense ou d’une motivation liée à des persécutions. Cela a beaucoup avoir avec un délire de domination sur la ou les personnes agressées.»

Discothèque

Venus calmer une bagarre, deux policiers violemment agressés à la sortie d’une discothèque à Saint-Malo

Les faits divers évoquant des victimes rouées de coups ou attaquées au couteau pour des motifs frivoles remplissent (très) régulièrement les colonnes des journaux ces dernières années. En octobre 2018, France 3 dégainait une enquête intitulée: «Pourquoi la recrudescence des meurtres très violents et “gratuits” inquiète la police»: «Plusieurs homicides extrêmement violents ont été commis ces derniers mois dans le Nord et le Pas-de-Calais. Des hommes tabassés à mort pour des motifs futiles, voire gratuitement. La police judiciaire de Lille s’inquiète de cette banalisation de la violence, notamment chez les plus jeunes.»

Sputnik France s’était également attaqué au sujet l’été dernier après une vague de faits divers plus sordides les uns que les autres. Dans cette enquête, nous nous intéressions aussi à l’explosion du nombre d’agressions sexuelles. Et à en croire les données de l’ONDRP pour 2018, la situation ne s’est pas améliorée. Bien au contraire:

«Dans les données enregistrées par les forces de sécurité, le nombre de victimes de violences sexuelles a poursuivi en 2018, de façon encore plus accentuée, la hausse observée les années précédentes. Cette augmentation s’explique notamment par une évolution du comportement de plainte des victimes, dans le climat de l’affaire Weinstein et des différents mouvements sur les réseaux sociaux pour la libération de la parole des victimes […].»

Il n’y aurait donc pas forcément plus d’agressions sexuelles, mais plus de plaintes? Michel Thooris nuance ce constat:

«Il ne faut pas tout mélanger. Je pense que #MeToo est un mouvement bobo qui s’adresse à une catégorie particulière de la population, souvent issue du show business. La réalité d’une grande partie des dossiers d’agressions sexuelles que l’on doit traiter aujourd’hui concerne les quartiers sensibles où culturellement, certains hommes estiment avoir des droits et des pouvoirs très importants sur la femme. Concernant #MeToo, les agresseurs profitent plus de leur position sociale pour obtenir des faveurs sexuelles. Mais les profils à la Harvey Weinstein sont très loin d’être majoritaires dans les affaires d’agressions sexuelles traitées par la police française aujourd’hui.»

Et quid de la crise migratoire qui frappe l’Europe? A-t-elle un rôle dans l’augmentation de la délinquance en France? La problématique des mineurs isolés, souvent originaires du Maroc, inquiète particulièrement les forces de l’ordre. «On constate notamment, chiffres à l’appui, qu’il y a eu un effet important des vagues migratoires et de la présence des mineurs non accompagnés. Cela a aggravé les phénomènes de délinquance», expliquait récemment au journal Le Monde Valérie Martineau, patronne de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP).

Selon France 3, «les associations estiment à 20.000 le nombre de jeunes Marocainspartis vers l’Europe» et «beaucoup n’ont plus donné de signe de vie à leur famille». Michel Thooris partage l’inquiétude de ses collègues:

«Je suis tout à fait d’accord. Notre syndicat a déjà écrit à plusieurs reprises sur ce sujet. Les mineurs étrangers isolés et non accompagnés posent de véritables difficultés sur le territoire national. D’ailleurs, ils ne sont souvent pas réellement mineurs. Ils posent des problèmes de criminalité importants et pas seulement à Paris. J’ai des collègues qui sont régulièrement aux prises avec de jeunes migrants à Montpellier. Ces derniers sont malheureusement pour la plupart désœuvrés, sans éducation et commettent parfois des agressions physiques et sexuelles. C’est un vrai souci qui n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics. Les autorités ne savent pas quoi faire de ces jeunes que l’on n’expulse pas, mais qu’on ne peut quasiment pas intégrer non plus. Ils sont donc laissés livrés à eux-mêmes avec tous les dangers que cela représente.»


Article complet paru sur Sputnik France disponible ici .

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