Le groupe terroriste État islamique a réduit en esclavage sexuel de nombreuses femmes yézidies. Ayant échappé à leurs bourreaux, elles se sont confiées à la photographe Seivan Salim.
En novembre 2015, les forces kurdes, aidées par des frappes aériennes américaines, ont réussi à chasser les combattants de l’État islamique de la ville irakienne de Sinjar. En août 2014, le groupe terroriste avait assiégé la ville, tuant et réduisant en esclavage de nombreux membres de la minorité religieuse yézidie. Cet épisode sanglant est désormais connu comme le massacre de Sinjar.
Seivan Salim, une photojournaliste kurde née en Irak et forcée à l’exil quand elle était enfant, a suivi ces événements attentivement. Quelques mois après le massacre, dans un camp de réfugiés, elle a rencontré plusieurs femmes ayant réussi à échapper à leur condition d’esclaves. Hantée par leur histoire, elle sait immédiatement qu’elle doit agir afin de mettre en lumière les injustices qu’elles ont subies.
Les photos prises par Seivan Salim et les récits intimes racontés par ces femmes ont été présentés dans un projet émouvant intitulé « Escaped » (« Rescapées », en français), dans le cadre d’un plus vaste projet en ligne de storytelling « Map of Displacement » (« La carte des exils », en français) imaginé par l’agence de photographie Metrography ainsi que par des écrivains du monde entier.
« Chaque histoire était une tragédie, lourde d’une immense souffrance », raconte la photographe. « Cela m’est apparu comme une évidence : en tant que femme kurde et photojournaliste parlant la langue de ces femmes, je me devais de raconter leur histoire. Le monde doit connaître le sort réservé aux filles qui sont encore tenues captives. »
Avant d’immortaliser ces femmes, Seivan Salim a écouté leur histoire. Nombre d’entre elles souffraient de traumatismes les empêchant de raconter ce qui leur était arrivé. Certaines avaient été vendues à de multiples reprises, d’autres étaient tombées enceintes de leurs ravisseurs et la majorité d’entre elles avaient vu des membres de leur famille se faire assassiner.
Elle a promis l’anonymat à celles acceptant d’être photographiées et leur a demandé l’autorisation de les représenter vêtues de la traditionnelle robe blanche de mariée yézidie.
« Selon la tradition et la religion, les relations sexuelles n’ont lieu qu’après le mariage. L’État islamique les a dépouillées de ce droit », explique la photographe. « Je souhaitais montrer que leur cœur était toujours chaste et pur. »
Cependant, une fois le concept trouvé, mettre la main sur une robe blanche s’est révélé être un véritable défi ; la majorité des personnes ayant fui l’État islamique avaient tout perdu. La photographe finira par dégoter une robe grâce à une famille qui était parvenue à rentrer chez elle et à récupérer quelques affaires. Bien que n’ayant qu’une seule robe, la photographe a changé à chaque portrait l’écharpe, la ceinture et le style de sorte à ce que la tenue soit unique à chaque femme.
« Je me suis passionnée pour ce sujet et j’ai l’intention de travailler dessus aussi longtemps que je le pourrai », explique-t-elle.
« La souffrance de ces femmes ne doit sous aucun prétexte être pardonnée ou tomber dans l’oubli. Le fait qu’à notre époque des personnes soient victimes de telles souffrances en raison de leur religion est quelque chose qui m’échappe. J’espère que ces témoignages permettront à de nombreuses personnes de voir le véritable visage de l’État islamique. »
Seivan Salim a fui l’Irak au côté de sa famille lorsqu’elle n’était qu’un bébé. Elle a grandi au nord de l’Iran et est retournée dans son pays natal en 2012. En 2013, elle a travaillé pour des médias kurdes locaux, avant de devenir photographe indépendante pour Associated Press et pour l’agence de photographie Metrography.
Retrouvez davantage de photos et de récits sur le site de Map of Displacement.
Si vous souhaitez venir en aide aux femmes yézidies victimes de l’État islamique, rendez-vous sur www.yazda.org.